Une panique qui prend de l’ampleur notamment après avoir subi un diagnostic détaillé qui s’achève sur un constat aussi rassurant qu’étonnant, prononcé généralement par le médecin traitant sous forme d’une phrase simple du genre: «Vous n’avez absolument rien» ou encore: «Toutes les analyses sont négatives, vous ne souffrez d’aucune maladie ou lésion». Et il y a vraiment lieu de paniquer lorsqu’on vit ce genre de malaises et que l’on ne trouve chez les médecins aucune explication claire. Pourtant, une réponse à de pareils cas existe du côté de la psychiatrie.

Les maladies psychologiques à manifestations somatiques ou corporelles sont courantes aussi bien dans la société tunisienne qu’à travers le monde. Elles concernent surtout les personnes qui souffrent de névrose. «Les manifestations somatiques des maladies psychologiques peuvent apparaître, quoique rarement, chez les individus présentant des cas de psychose», indique Dr Fadhel M’rad, président du Comité médical à l’hôpital psychiatrique El Razi de La Manouba. Ces malaises influant négativement sur l’aspect fonctionnel et moteur reviennent essentiellement à des troubles d’ordre affectif et relationnel. Ce sont, donc, des maladies psychologiques qui se manifestent à travers des troubles corporels, physiologiques dont la portée est purement symbolique. «Généralement, ces troubles trahissent un mal-être que la personne en question a du mal à exprimer verbalement, laissant au corps le soin de transmettre le message. On peut parler de maladie psychique à médiation corporelle», explique Dr M’rad.

Quand l’âme s’exprime par le corps

Ces maladies usent alors du corps pour exprimer un mal-être vécu en silence, quoique consciemment. En effet, selon les données fournies par Dr M’rad, les patients atteints par ce genre de troubles sont parfaitement conscients d’eux-mêmes mais aussi du monde qui les entoure. Ils endurent toutefois les manifestations de ces troubles qui usent surtout des quatre instincts primordiaux, à savoir le sommeil, l’alimentation, les relations sociales et la vie sexuelle, rendant ainsi la vie quotidienne plus compliquée qu’elle ne l’est.

Il y a lieu de préciser que ces manifestations relèvent surtout de deux maladies psychologiques, à savoir l’anxiété ou l’angoisse et la dépression.
Pour ce qui est du premier cas, il consiste en un sentiment de peur ressenti sans raison objective. «Les manifestations corporelles des maladies psychologiques n’épargnent aucun fonctionnement du corps humain. Ainsi, dans le cas d’anxiété, les composantes somatiques s’avèrent multiples. Cérébrales, elles peuvent engendrer des vertiges qui influencent à la fois sur le cervelet et les oreilles, donnant à la personne en question la sensation de tourner autour d’elle-même ou d’être au centre d’une terre qui tourne. Les manifestations peuvent également être cardiaques qui apparaissent sous forme de palpitations ou de troubles de la tension artérielle. Elles peuvent aussi être céphaliques et entraîner des migraines atypiques ou encore des vertiges», indique à titre d’exemple notre interlocuteur. Et d’ajouter que la liste des troubles fonctionnels dus à des maladies psychologiques est longue, incluant des opressions thoraciques qui se manifestent sous forme de polypnées ou au contraire de bradypnées, des bourdonnements, des boules œsophagiennes, une difficulter à uriner ou au contraire à se retenir en cas de besoin d’uriner, des crampes au niveau des membres, etc.

Selon Dr M’rad, la manifestation somatique des maladies psychologiques ne survient que pendant et après la période d’adolescence. Certes, ces malaises ne concernent dans la majorité des cas que les personnes pubères. Cependant, les troubles peuvent avoir une portée plutôt comportementale chez l’enfant et refléter ainsi les mêmes maladies psychologiques. Aussi, l’échec scolaire, les comportements violents, mais aussi le besoin de s’isoler, de ne pas communiquer détectés chez l’enfant peuvent reflèter ce genre de maladies.

Pour ce qui est des manifestations somatiques dues à la dépression, elles tournent essentiellement autour de trois indices, à savoir la fatigue entraînant une lenteur des mouvements, une faciace plutôt tombante, et une diminution remarquable de l’intérêt intellectuel et des envies. «Sur le plan corporel, nous remarquons alors une baisse claire au niveau de tout ce qui est en rapport avec les instints, notamment une baisse de l’envie de se nourrir ou une anorexie, des insomnies et une baisse de la libido», ajoute Dr M’rad.
Bien que les manifestations somatiques des maladies psychologiques sont fréquentes dans notre société, elles ne semblent pas être prises au sérieux par les sujets concernés, étant donné que «la consultation et l’envie de guérir et d’en finir avec ces malaises dépendent surtout de la tolérance du sujet vis-à-vis du trouble», fait remarquer notre spécialiste.

La prise en charge de ces maladies nécessiste un duo basé sur deux approches aussi bien efficaces que complémentaires : l’approche médicamenteuse et celle psychothérapeutique. «Associées, les deux approches sont alors plus performantes et font hisser le taux de guérison jusqu’à 80%. Il est également important voire primordial que le sujet adhère à sa thérapie», note Dr M’rad.

D. BEN SALEM