A l'origine de ce cancer, les papillomavirus humains (HPV) qui affectent les muqueuses génitales. Ces virus sont transmis par voie sexuelle, mais également par le contact et le frottement. Plus de 80% des femmes seraient infectées au cours de leur vie par le papillomavirus de type 16. La très grande majorité d'entre elles éliminent ce virus spontanément alors qu'un tout petit nombre développe des lésions qui progressivement peuvent se transformer en cancer à long terme.

Les risques d'infection augmentent avec l'âge et le nombre de partenaires. En effet, 50 à 80% des femmes s'infectent par le HPV dès les premières années de la relation sexuelle. Plus de 50% de ces HPV sont oncogéniques mais ils ne développent pas toutes des anomalies cervicales. Plus de 80% des corps féminins feront disparaitre le virus. «40% des femmes font des cancers gynéco-mammaires dont 54% du sein et 31% du col de l'utérus », explique Pr. Chafik Chraïbi. L'utilisation de préservatifs lors des rapports sexuels limite la transmission du HPV, mais ne permet pas de l'éliminer complètement de tout contact, car il est présent au niveau des muqueuses génitales non recouvertes par le préservatif. «Ce virus peut aussi se cacher sous les ongles », souligne Dr. Chraïbi.

Le cancer de l'utérus peut se manifester par des saignements, infections, pertes, douleurs pelviennes… Toutefois, ces symptômes ne sont pas spécifiques au cancer de l'utérus et peuvent être observés au cours de maladies plus bénignes, comme par exemple une infection vaginale. La persistance d'un ou plusieurs de ces signes nécessite un avis médical et un examen gynécologique. Néanmoins, la prévention du cancer du col de l'utérus passe avant tout par le dépistage des lésions précancéreuses et cancéreuses provoquées par le virus du papillome humain. Il repose sur la pratique régulière d'un frottis. Ce dernier permet d'examiner les cellules du col de l'utérus au microscope et d'en recueillir les plus superficielles. Le prélèvement est ensuite étalé puis fixé sur une lame de verre.

Le prélèvement est envoyé à un laboratoire d'anapathologie qui effectuera une recherche de cellules anormales. Normalement, le dépistage du cancer du col de l'utérus se fait dès l'âge de 20/25 ans. Il est recommandé d'effectuer un frottis tous les 3 ans après avoir obtenu 2 frottis normaux à un an d'intervalle chez des femmes ayant une activité sexuelle. Mais l'intervalle de 3 ans recommandé semble trop long pour de nombreux spécialistes. Une période de 2 ans est actuellement conseillée.

Si le frottis détecte une anomalie du col, il ne permet pas de se protéger contre l'infection par les virus HPV, qui est à l'origine de cette lésion. C'est la raison pour laquelle la meilleure protection contre le cancer du col de l'utérus est aujourd'hui d'associer le dépistage régulier par frottis à partir de 25 ans, à la vaccination. «Le cancer du col de l'utérus est le seul qu'on peut prévenir par vaccination. Le taux de prévention peut varier de 70 à 80 %. Beaucoup de pays ont intégré ce vaccin dans leur calendrier vaccinal. Grâce à cela, ils ont pu faire disparaitre le cancer de l'utérus. Au Maroc, on demande la généralisation du vaccin, car le dépistage coûte cher», précise Pr. Chafik Chraïbi. Actuellement, deux types de vaccins sont disponibles sur le marché international et marocain. On trouve le vaccin quadrivalent Gardasil qui prévoit des lésions cervicales dues à chacun des deux types d'HPV 16 et 18.

Il offre en outre l'avantage de protéger contre les lésions génitales liées aux HPV 6 et 11, notamment les verrues génitales. Ce vaccin prévient donc contre des dysplasies de haut grade du col de l'utérus (CIN2/3), des dysplasies de haut grade de la vulve (VIN 2/3), des cancers du col de l'utérus qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital et aussi contre des verrues génitales externes (tumeurs bénignes). Par ailleurs, le vaccin bivalent Cervarix protège essentiellement contre les HPV 16 et 18. L'idéal serait de vacciner les filles avant le début des rapports sexuels. «Plus on vaccine jeune plus on a une réponse immunitaire rapide et durable», explique Chafik Chraïbi. Selon une étude internationale réalisée à ce sujet, Les premiers rapports sexuels ont lieu à l'âge de 15 ans alors le pic de ces contacts est fixé à 25 ans. Il vaut mieux vacciner les filles âgées entre 10 et 14 ans. A cet âge, les GMT sont deux fois plus élevés et la protection conférée par les vaccins peut être estimée à près de 100%.

Quand le vaccin est réalisé entre 15 et 25 ans, le taux de réussite est moins important, selon Pr. Chraïbi. «Pour avoir une immunité, il faut faire un vaccin et deux rappels. Le premier après deux mois et l'autre à 6 mois du vaccin», indique-t-il. Ces vaccins pourraient avoir des effets indésirables comme la fièvre, des érythèmes, des saignements,…Toutefois, le résultat en vaut la peine. Et pour protéger les jeunes filles contre le cancer du col de l'utérus, il faut compter 1.450 DH par séance pour le Gardasil ou bien 413 DH multipliés par 3 pour le Cervarix. A noter que ces montants ne seront pas remboursés par les assurances. Néanmoins, la vaccination ne signifie pas l'arrêt du dépistage par frottis cervico-vaginal.

EXPLICATION : Chafik Chraïbi

Chef de service à la maternité des Orangers au CHU de Rabat.
«La vaccination peut se faire jusqu'à l'âge de 19-20 ans»

Quels sont les facteurs de risque du cancer du col de l'utérus ?

D'abord c'est l'infection par certains papillomavirus humains. Si on attrape un HPV on a 500 fois de risque de faire un cancer du col. Ce risque est de 10 quand on est fumeur pour le cancer du poumon. La multiparité et la précocité des premières relations sexuelles représentent également des risques. En outre, une première grossesse précoce, le tabagisme et la contraception orale pendant au moins 5 ans peuvent également être des cofacteurs de la maladie.

Est-ce qu'il y a des moyens de prévention pour l'homme ?

On ne peut pas faire de frottis chez l'homme mais certains pays ont commencé la vaccination des garçons. Au Maroc, on est encore loin de cette étape. Il faut d'abord généraliser la vaccination des filles.

Est-ce que tous les laboratoires peuvent faire un dépistage par frottis cervico-vaginal ?

Malheureusement non. Tous les laboratoires ne font pas la lecture du cervico-vaginal et n'ont pas l'expérience de le faire. Pour cela, il faut demander à son médecin la liste des laboratoires qui ont les moyens et les compétences de lire correctement le frottis.

Est-ce que les femmes mariées peuvent se vacciner contre le cancer du col de l'utérus ?

Il n'est jamais trop tard pour bien faire mais l'efficacité du vaccin n'est pas assurée à partir d'un certain âge et notamment après le début des rapports sexuels. La vaccination des femmes plus âgées peut s'avérer inutile si elles ont déjà attrapé le HPV. Heureusement, au Maroc, nos jeunes filles n'ont pas de rapports sexuels très précoces. La vaccination peut donc se faire jusqu'à l'âge de 19-20 ans.

Quel type de vaccin est le plus efficace ?

Selon les études et les avis des experts, le Cervarix est le plus choisi car il a l'avantage d'avoir un adjuvant qui lui permet d'être rapide et durable. En tant que médecins et spécialistes nous nous sommes réunis et on a constaté que le prix du Gardasil est cher alors que le laboratoire de Cervarix a réduit par trois le coût de son vaccin.

Est-ce que le vaccin peut prévenir contre tous les types de HPV ?

La famille des HPV est très grande. Ce virus est responsable à 5,2% de la totalité des cancers. Il existe plusieurs types de HPV dont 15 sont classés oncogéniques. Les HPV 16 et 18 sont les plus dangereux. Les autres causent des lésions bénignes comme les condylomes. Certains types de HPV sont apparentés est c'est important parce que le vaccin vise un virus et peut protéger par bonheur contre un autre semblable. C'est ce qu'on appelle l'immunité croisée.

Repères

• Cancers dus au HPV
• Dans 100% des cas, le HPV est responsable du cancer du col de l'utérus.
• Le HPV est responsable à 90% du cancer de l'anus.
• Dans 40 % des cas, le HPV cause un cancer de la vulve et du vagin.
• Le HPV est derrière 40 % des cas de cancers du pénis.
• 12% des cancers de l'oropharynx sont causés par le HPV.
• Le HPV est derrière 3% des cancers de la bouche.

Par Nadia Ouiddar