Revue de presse

Pouvez-vous nous préciser ce que sont ces allergies aux hyménoptères ?
Pr H. Douagui : “Les hyménoptères sont représentés dans nos latitudes par les abeilles, les guêpes, les frelons et les bourdons. Ces insectes sont responsables de piqûres allergisantes. Ces piqûres d’insectes sont fréquentes. A l’âge de 20 ans, plus d’un adulte sur deux a déjà été piqué au moins une fois. En dehors des désagréments que suscitent ces piqûres, elles peuvent être responsables chez près de 20% de la population, de manifestations d’allergies plus ou moins sévères.
En cas de piqûres on peut observer deux types de réaction soit des réactions locales avec une douleur et une rougeur au niveau de la piqûre de l’insecte ou des réactions générales qui sont beaucoup plus graves avec des rougeurs généralisées, un œdème au niveau du visage, parfois des difficultés respiratoires à type de crise d’asthme, parfois des malaises avec perte de connaissance et malheureusement dans ces rares cas quand le malade est allergique, le décès du malade s’il n’est pas secouru immédiatement.
Alors qu’il faut plusieurs centaines de piqûres de guêpes ou d’abeilles pour tuer une personne non allergique, une seule piqûre suffit pour tuer une personne allergique à ces insectes”.

Pourquoi une Conférence nationale de consensus sur les allergies aux venins d’hyménoptères ?
“Dans le monde la mortalité de ces allergies aux insectes piqueurs, est estimée entre 0,09 à 0,45 cas par million, soit 1 décès pour 2 à 10 millions d’habitants. Elle est certainement sous-estimée. En France et aux Etats-Unis, les piqûres d’hyménoptères tuent en moyenne plusieurs dizaines de personnes par an. La mort survient dans un tableau clinique de choc anaphylactique avec collapsus cardiovasculaire. Dans nos pays du Maghreb devant l’absence d’enquêtes épidémiologiques, nous ne possédons pas de chiffres exacts mais il est vraisemblable que plusieurs dizaines de malades allergiques décèdent à la suit de piqûres de venins de guêpes ou d’abeilles. Les sujets les plus exposés sont les apiculteurs et leurs familles, les pâtissiers et vendeurs de zlabia, les personnes exerçant des activités à l’extérieur et les agents de la Protection civile qui sont appelés pour détruire les essaims d’abeilles ou de guêpes menaçant les habitations.
Ces allergies sont malheureusement souvent méconnues et ne sont pas diagnostiquées par la plus part des médecins généralistes car le programme des études médicales en Algérie ne l’évoque pas. De plus ces maladies, quand elles sont diagnostiquées, peuvent être prises en charge avec beaucoup d’efficacité et la plus part des décès imputables aux venins de guêpes ou d’abeilles sont évitables si on met en place une stratégie et une organisation de diagnostic précoce, de traitement et de prévention”.

Quels sont les conseils à donner à nos lecteurs pour se protéger de ces piqûres de venins d’hyménoptères ?
“Les malades allergiques devront consulter un allergologue spécialisé ou le service de pneumo-allergologie du CHU de Béni-Messous qui dispose de tous les moyens diagnostiques et les traitements appropriés pour la prise en charge de ce type de malades.
De plus les personnes allergiques devront limiter les risques :

• si les insectes venaient à tourner autour de nous, ne pas faire de grands gestes pour les éloigner et rester calmes.
• éviter les promenades ou les pique-niques à proximité de zones d’élevage des abeilles.
• de ne jamais marcher pieds nus dans l’herbe
• d’éviter l’usage de parfums ou eaux de toilettes car ils attirent les insectes.
• de porter des vêtements couvrant bien le corps et de couleur claire (les couleurs sombres attirent les insectes piqueurs).
• de desservir rapidement la table pour les repas à l’extérieur. La viande, mais aussi les melons et toutes les substances sucrées, attirent volontiers ces hôtes indésirables.
• en présence d’un essaim d’abeille ou de nid de guêpes à proximité d’une habitation, le faire détruire par une entreprise de désinsectisation, ou en cas d’urgences par la Protection civile”.

Quelles pourraient être les recommandations que vous allez faire aux Autorités de Tutelle (ministère de la Santé et ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) ?
“En ce qui concerne le ministère de la Santé, il est urgent de créer à l’instar d’Alger, dans les autres régions sanitaires du pays, un centre régional de diagnostic, de traitement et de prévention des maladies allergiques spécifiques telles que les allergies aux venins d’hyménoptères, des allergies alimentaires, des allergies médicamenteuses qui nécessitent une forte spécialisation, et un environnement médical spécialisé. Le CHU de Béni-Messous et le service de pneumo-allergologie que je dirige sont disposés à aider à la formation des personnels et à l’installation de ces centres régionaux qui rendront d’énormes services aux malades de l’intérieur du pays.
Le ministère de la Santé doit pouvoir également assurer l’édition et la diffusion des recommandations, issues de cette conférence nationale de consensus.
C’est pourquoi depuis décembre 2006, nous avons ouvert dans le service de pneumo-allergologie que je dirige à l’hôpital de Béni-Messous, la première unité spécialisée en Algérie (mais aussi au Maghreb) pour le diagnostic, le traitement et la prévention de ces maladies allergiques induites par les venins d’hyménoptères.
Ces malades que nous prenons en charge depuis un an, viennent de tout le territoire national et à leur retour dans leur wilayas d’origine, ils ne trouvent pas de médecins spécialisés capables de prendre en charge leur traitement qui consiste à leur injecter une fois par mois un traitement spécialisé qui assure à ces malades une guérison dans plus de 90% des cas”.

Pr Douagui, quels vont être les objectifs de cette Conférence nationale de consensus ?
“Cette Conférence nationale de consensus qui réunira des experts nationaux et internationaux avec comme objectifs :

• faire des recommandations aux Autorités de Tutelle (ministère de la Santé, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique) sur les allergies aux venins d’hyménoptères en Algérie en 2007 la situation actuelle, les problèmes rencontrés par les médecins et les malades.
• rédiger des recommandations pour les bonnes pratiques de la prise en charge des allergies aux venins d’hyménoptères, éditer et diffuser ces recommandations aux médecins généralistes et aux spécialistes.
• former les médecins allergologues référents des wilayas de l’intérieur du pays pour le traitement d’entretien de ces allergies particulières”.

Pr Douagui, quels sont les conseils à donner aux malades qui sont piqués par une guêpe ou une abeille ?
“Quand une personne qui a été piquée par une guêpe ou une abeille n’est pas allergique, elle ne risque rien ce n’est une douleur et une rougeur au point de la piqûre. Il faut retirer le dard de l’insecte quand il est resté fiché dans la peau et appliquer une solution désinfectante sur la peau.
Chez le sujet allergique et en cas de réaction générale notamment une piqûre sur le visage ou dans la bouche ainsi qu’en cas de piqûres multiples, il faut immédiatement appeler le SAMU ou conduire en extrême urgence le malade chez le médecin le plus proche lui donnera le traitement approprié : antihistaminique, corticoïdes et de l’adrénaline en cas de besoin et qui l’orientera vers un service spécialisé pour un bilan allergologique et un traitement approprié par désensibilisation spécifique qui guérit plus de 90% des malades.
Il faut naturellement disposer des allergènes diagnostiques et thérapeutique des venins d’hyménoptères qui font souvent défaut et de stylos auto injectables d’adrénaline qui sont introuvables et il en faut une centaine par an, ce qui ne va pas ruiner la Cnas.
Enfin un Programme national de formation médicale continue obligatoire doit être mis en place sur tout le territoire national avec une coordination de toutes les sociétés savantes et des facultés de médecine : trop de médecins algériens, notamment à l’intérieur du pays ne reçoivent pas de formation médicale continue après l’obtention de leur diplôme de docteur en médecine.
En ce qui concerne le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, qui a une lourde responsabilité dans la mise en place de la formation continue des médecins, doit sans délai et dans l’intérêt des médecins et des malades algériens, valider la formation du CES d’asthmologie, d’allergologie et d’immunologie clinique que nous avons débutée depuis 4 ans : cette lourdeur bureaucratique est intolérable et inacceptable.

Lire l'article original