Revue de presse

En conformité avec le verset 233 de la Sourate 2 du Coran, la mère doit allaiter son enfant, deux années durant. Mais il se trouve que l’allaitement maternel est en passe de connaître un déclin. Afin de promouvoir ce geste naturel d’une extrême importance, la Direction des Soins de Santé de Base (DSSB) a choisi de placer les Quatorzièmes journées nationales de santé publique qui ont démarré hier à Tunis sous le thème de l’allaitement maternel. Des interventions de spécialistes et des communications libres sont à l’ordre du jour du programme.

En Tunisie, la supplémentation est précoce. Elle se fait le plus souvent par un lait qu’on considère potentiellement dangereux pour l’âge. D’autant plus que le biberon est utilisé fréquemment quel que soit l’âge de l’enfant. On donne alors le biberon à 47% des enfants de moins de 2 mois et entre 55 à 65% jusqu’à l’âge de 11 mois. Au vu de la situation de l’allaitement maternel dans nos murs, la Tunisie comparée aux autres pays, se positionne à une place intermédiaire entre les pays de l’Europe et ceux de l’Afrique.

Désormais, les spécialistes sont unanimes à plaider en faveur de l’allaitement maternel exclusif pendant six mois et continuer jusqu’à deux ans. Ceci demeure un vrai défi pour notre pays. Et Jean-Michel Delmotte, le représentant de l’UNICEF en Tunisie d’annoncer à ce juste titre les résultats préliminaires d’une enquête de ménages (MICS III) qui vient d’être réalisée : «L’allaitement exclusif au sein, donc sans aucun apport complémentaire liquide ou solide est de 0%. Bien sûr, l’enquête s’est déroulée durant l’été et les résultats ont encore besoin d’être affinés et validés mais ils sont bien là et nous disent qu’un travail considérable doit encore être fait en matière de promotion de l’allaitement», souligne le représentant de l’UNICEF.

Il n’y a pas de doute quant aux bienfaits du lait maternel. Il est en effet le seul aliment bénéfique pour le nourrisson au cours des six premiers mois de sa vie. Et même au-delà de cette période, le lait de la mère continue à être bénéfique jusqu’à l’âge de deux ans. D’ailleurs, aucune industrie n’a réussi à faire un produit aussi parfait. Il a des apports en eau, en sels minéraux, en vitamines mais aussi des apports protidiques, lipidiques et glucidiques.

Le Professeur Naïma Khrouf, responsable au Centre de maternité et de néonatologie de Tunis, attire l’attention sur la richesse du Colostrum. Il s’agit du premier lait produit pendant les premiers jours. Celui-ci est particulièrement riche en protéines, en anticorps et globules blancs, en facteurs de croissance qui aident à la maturation intestinale et en vitamine A.

En deux semaines, il se transforme progressivement en lait mature : «Un enfant allaité au sein fait moins d’infections, de diarrhées, d’infections respiratoires aiguës, etc… C’est un enfant qui se porte mieux», souligne le Pr. Khrouf.

Lait artificiel

Et de rappeler que pendant les années 70, la Tunisie a connu une grande vague de lait artificiel. Cet allaitement artificiel a eu des répercussions néfastes sur les nourrissons qui ne prenaient pas de poids et dont une grande partie mourrait de dénutrition. Dans la décennie suivante, la situation a changé en faveur de l’allaitement naturel : «Si on ne fait pas d’efforts de sensibilisation à l’heure actuelle, on risque de basculer dans une situation antérieure», précise le Pr. Khrouf, surtout que l’allaitement maternel est également bénéfique pour les mères qui font moins de cancers du sein et du col de l’utérus.

Dans son discours, Jean-Michel Delmotte cite une étude portant sur 861 bébés issus de milieux défavorisés. Elle a été publiée par le journal européen de pneumologie. Elle a révélé que les enfants allaités au sein pendant une période supérieure à six mois sont moins sujets que les autres aux allergies.

Elle a confirmé que les souches bactériennes qui colonisent le système digestif et qui influencent le système immunitaire sont de meilleure qualité dans le cas d’un allaitement maternel suffisamment prolongé: «En 2003, un article du très sérieux Lancet calculait que, chaque année, 1,3 millions de vies d’enfants pouvaient être sauvées par le seul bénéfice d’un allaitement maternel et 600 mille de plus sauvées par le recours à une alimentation de sevrage équilibrée et complémentaire à l’allaitement.

L’article allait plus loin car il réaffirmait qu’au-delà des bénéfices sanitaires, il y avait des gains financiers importants pour la famille qui se traduisaient également par des gains économiques pour l’ensemble de la nation», ajoute le représentant de l’UNICEF.

Dans ce même sens, d’autres recherches récentes ont montré la corrélation entre l’allaitement au sein et l’amélioration du quotient intellectuel même à l’âge de 18 ans et au-delà. Cette corrélation est également valable avec le développement psychomoteur de la naissance jusqu’à l’âge de 12 ans. Et ce, avec une vision meilleure, davantage de confiance et de capacité à l’autonomie ainsi que plus de dextérité dans les apprentissages divers.
Mounira Garbouj, responsable de la Direction des Soins de Santé de Base (DSSB) souligne le manque d’information qui explique la réticence chez les mères.

Il importe alors de sensibiliser les différents partenaires afin de promouvoir l’allaitement maternel exclusif en particulier. Et de mettre l’accent aussi sur l’importance de l’accompagnement des mères notamment en cas de gerçures et d’engorgement pour ne pas renoncer.

Le Pr. Khrouf insiste également sur l’information et précise que les mères peuvent recourir à l’extraction du lait ; lequel se conserve 48 heures au frigo et six mois au congélateur. Ceci étant, le représentant de l’Unicef pense que le défi de la Tunisie c’est que 50% des médecins sont de libre pratique. Il est impératif à son sens de les impliquer dans la sensibilisation. Et de toucher aussi les patrons du secteur privé afin qu’ils mettent leur main à la pâte et ne se contentent pas uniquement de rechigner à chaque fois qu’une employée accouche.

Maryem KADA

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